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Channel: Commentaires sur : Qu’est-ce qu’un traître ?
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Par : Nat

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« Qu’est-ce qu’un traître? »

La traîtrise n’a pas d’odeur, comme l’argent. Elle n’a pas non plus de couleur, ni de patrie, ni père, ni mère, ni frère, ni sœur; elle ne se distingue point des autres aspects plus louables de l’humanité; elle prend leur apparence, elle se dissimule au plus profond de l’âme pour commettre ses forfaits. C’est pourquoi on ne saurait la déceler et en juger qu’après avoir cerné le mensonge qui l’accompagne et ce qui le motiva. Aussi, est-il important qu’on ne cache pas aux enfants qu’un tel fléau existe. Personne a bien conscience de cela et agit en conséquence; je me joins à elle dans cette noble tâche.

Il n’y aurait pas de mensonge ici-bas s’il n’y avait pas aussi une parole absolument véritable, soit une parole qui n’aurait pour fin qu’une diffusion de la vérité. C’est bien de cela dont il est question lorsqu’on dit d’elle qu’elle est éclairante; et la métaphore n’est pas fantaisie, nous avons besoin de la vérité comme de la lumière pour vivre et nous épanouir, comme nous avons besoin de la nuit pour nous reposer un peu du jour. Une telle parole peut se faire la messagère d’une promesse, être porteuse d’espoir, libératrice, guide et lampe en l’obscurité des existences, nourriture de l’esprit, scellés du destin… A cet égard, Personne n’a pas tort de dire à l’enfant au cours de son instruction, que la parole est une chose sacrée. Mais la nature divine de celle-ci n’empêche nullement que le mensonge s‘en empare, et qu’une parole donnée n’en soit plus vraiment une. Il est vrai qu’on peut faire des louanges et des prières sans sincérité de cœur. Les traîtres et les acteurs en général savent cela.

On peut effectivement tromper quelqu’un avec un « je t’aime »; de même que, dit à la légère, il entraîne bien des désillusions, et, d’un point de vue objectif, le doute au sein du couple. Quand on fait part d’un sentiment sans vraiment le vivre, cela se ressent la plupart du temps, notamment lorsque le cœur à qui la parole s’adresse est celui d’un enfant. Mais il suffit que le mensonge ait produit quelques ténèbres en son cœur, ou qu’il l’en ait détourné d’une certaine manière, pour que cet enfant se retrouve en proie à toutes les illusions, à tous les abus, et à tous les commerces délétères pour l’humanité que le monde abrite. Le traître est donc l’individu qui a conscience de l’aveuglement dont les être humains peuvent être victimes, et qui s’accorde à entretenir cet état des choses, à maintenir la situation qui lui est ainsi profitable aux dépens des autres. Et le meilleur moyen de se délester des soupçons qui pourraient peser sur lui est simplement de se faire passer pour une personne inconsciente de ces choses, et pour qui il est impossible d’en prendre conscience.

Il sera toujours nécessaire pour le traître de passer pour un lâche, pour un fou, pour quelqu’un de naïf, pour quelqu’un d’autiste, pour une victime, afin d’avoir l’air d’être tout à fait innocent au regard des fautes qu‘il peut commettre délibérément dans sa traîtrise. Cependant, s’il veut être sûr de ne pas être découvert, il ne doit pas se contenter de simplement reproduire les comportements qu’il pourra observer autour de lui, mais il faut que la déclamation de son discours, sa parole, son texte, ait l’apparence d’une spontanéité, et c’est relativement à ceci qu’on peut parler de virtuosité à propos du jeu d’un acteur. Un bon acteur, qu’il soit un traître ou qu’il soit un véritable artiste, est quelqu’un qui peut « se glisser dans la peau de ses personnages » au point qu‘on s‘y méprenne! Un bon traître doit donc posséder toutes les qualités d’un bon acteur, mais il faut également qu’il se confectionne un rôle en particulier qui lui serve à masquer son vrai visage dans sa vie de tous les jours; c’est ce qui le conduit à être de mauvaise foi.

Quand la foi est mauvaise, on peut être comme Judas Iscariote qui, malgré tous les miracles, malgré toute la sincérité de Jésus, malgré le bien que ce dernier pouvait faire autour de lui, se plut à croire autre chose que ce qu’il pressentait en son cœur. Il y a une différence entre ne pas avoir la foi, comme lorsqu’on est sceptique vis-à-vis de tout sorte de croyance, et privilégier telle croyance plutôt qu’une autre pour des raisons obscures, ou par rapport à quelque sentiment tout aussi douteux. En revanche, que le peuple ne pût plus croire une seconde de plus que Jésus était leur sauveur dès qu’il le vit prisonniers dans les chaînes sous le joug de ses accusateurs, et qu’il eut peur de se retrouver condamné et martyrisé à son tour par les autorités, ne relève pas de la mauvaise foi, bien que la foi et l’amour qu’il lui portait avant étaient indéniables. D’ailleurs, il n’est dit nulle part que le peuple prêta serment auprès du Christ, seuls ceux qu’on appelle ses disciples s’entendirent à le faire. On ne peut donc pas voir dans le changement de position du peuple une trahison contre Jésus, mais plutôt la marque d’une lâcheté, d’une faiblesse. Aujourd’hui, on diagnostiquerait chez lui le syndrome de Stockholm pour expliquer ce revirement.

L’histoire et la situation actuelle du monde aurait été tout autre si aucun homme ne s’était abaissé à agir en traître. La justice des hommes aurait été aussi sûre que celle de Dieu, les contentieux et les querelles auraient à chaque fois trouvé rapidement leur résolution, parce qu’en une telle société utopique, la loyauté et la franchise aurait été parfaitement naturelle, de même que toutes les entités ennemies entre elles ne l’auraient été que par principe. On peut penser qu’en l’absence de traîtres parmi nous, nos rapports dans leur ensemble auraient été si claires et si évidents que des conflits et des guerres n’auraient jamais pu voir le jour, car, tout ce qui aurait troublé nos relations, comme cela peut arriver à cause des équilibres précaires sur lesquelles elles peuvent parfois reposer, du fait de la fragilité de certains d’entre nous, n’aurait toujours été qu’accidentel, puisqu’en une telle société personne n’aurait eu l’idée de s’adonner à des calculs en vue de produire l’incident ainsi que le traître peut ordinairement s’y appliquer. A aucun moment, et en aucun cas, aurait-il été possible de songer à un quelconque sabotage, ou stratagème machiavélique au sein de ce monde puisque la traîtrise n’aurait jamais existé, et parce que la loyauté, l’honnêteté, et la franchise, y auraient été de mise.

Ce n’est malheureusement pas la réalité du monde dans lequel nous vivons. C’est même tout l’inverse que nous connaissons. Il n’y a qu’à faire le constat de l’état dans lequel la planète se trouve, et juger de la confusion dans laquelle l’humanité se tient, alors qu’on aurait pensé que depuis l’apparition de la parole, quelques milliers d’années plus tôt, la vie eût été plus tranquille et plus harmonieuse encore, et que dès les premiers temps, l’humanité, ou du moins, la part d’elle qui aurait vraiment été éclairée, donnât naissance à une société comparable à la société utopique que j‘ai dépeinte.

Ce commentaire en hommage à Revolta.
(Kill Bill 2: The betrayal)


Nat


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